Nouveau terrain d'entrainement des Recrues

La forêt s'éclaircissait quelque peu. Avançant à pas de loups à présent, Loanne était beaucoup plus attentive encore à l'environnement. Maintenant qu'elle avait avancé, elle distinguait les alentours plus profonds de la forêt et l'imposant éperon rocheux sur sa droite.. Elle l'estimait à moins d'une demi-lieue. Les traces, étrangement, avaient changé de direction pour s'y diriger. La jeune femme fronça les sourcils. Ce n'était peut-être pas le meilleur choix de campement et elle décida d'abord d'ignorer les rochers, pensant plutôt que ses compagnons d'armes les avaient contournés pour trouver autre chose de moins voyant. Mais les traces de sabots étaient bel et bien là et s'enfonçaient dans un sentier qui escaladait la pente douce. Loanne mit quelques minutes avant de les suivre, quelques minutes à l'ombre du rocher. Elle se demandait si elle n'avait pas suivi la trace d'un autre cheval et se sentait presque ridicule... Mais sûre d'elle, elle n'arrivait pas à croire qu'elle ait pu perdre la piste. Calmant sa respiration au point que celle-ci devienne presque imperceptible, la jeune femme se remit en route, plus silencieuse que jamais, ses bottes ne faisant que très légèrement craquoter les feuilles sous ses pieds. C'est juste avant de contourner le rocher qu'elle entendit un bruit d'eau, comme si quelqu'un était entré dans le courant de la rivière ainsi que des voix. Celles-ci étaient trop éloignées pour qu'elle puisse saisir la teneur des propos, mais elle les reconnaissait tout de même. Ainsi, Spagnolo et Elvyna avaient décidé de se baigner pendant l'exercice. Au lieu de par exemple, penser à lui corser le travail en s'entraînant eux-même à faire un camp difficile à trouver pour d'autres éclaireurs. Loanne fronça les sourcils et risqua un oeil. Les deux jeunes gens lui tournaient le dos, enfoncés jusqu'à la taille en tenue légère dans le courant d'une rivière paisible. Leurs vêtements se trouvaient un peu plus loin. Sauvage broutait entre deux arbres et c'était sans doute lui qui risquait le plus de la repérer. Malgré le temps qui avait du s'écouler entre leur arrivée ici et la sienne, aucune défense n'était visible, aucune stratégie de repli ne semblait établie. Ils étaient... vulnérables. Un bruit de l'autre côté de la rivière fit sursauter Loanne en même temps qu'Elvyna une brindille craqua sous son pied, le bruit lui semblant être énorme et la jeune femme se cacha à nouveau derrière le rocher. Mais la conversation reprit, de l'autre côté et elle se calma. Elle n'avait pas été repérée. La malice vint la tenter. Elle pourrait peut-être leur jouer un tour, comme leur piquer Sauvage ou des vêtements. Mais l'un était trop imprévisible pour une débutante comme elle et les autres étaient trop proches des deux soldats. Elle décida alors de retenir un maximum d'informations sur la position de ses "bandits" et de leur campement et jeta à nouveau un oeil de derrière son rocher. Sauvage, sensible au bruit qu'elle avait fait, n'avait pas encore repris son repas et, la tête levée et les oreilles pointées, observait autour de lui.

Loanne ne tarda donc pas et jeta un dernier coup d'oeil circulaire, enregistrant le plus de détails. La stratégie, elle l'élaborerait sur le retour. Elle repartit ensuite à pas de loups sur le sentier, effaçant ses traces qu'elle avait pris soin de faire parallèles à celles des poursuivis. Une fois sur le chemin principal et à bonne distance de Spagnolo et Elvyna, elle sortit une flasque d'eau qu'elle but entièrement, la rangea et reprit une course de bonne vitesse. L'horizon commençait à rosir, signe du début du crépuscule. Ce qui signifiait la fin proche de l'exercice et donc le départ imminent de Spa et Elvyna de leur camp sur Sauvage. Et donc qu'elle risquait de se faire rapidement rattraper. Serrant les dents, Loanne allongea sa foulée suivant le chemin qu'elle avait repéré pour venir, regrettant d'avoir emporté l'épée qui lui battait le dos. Un arc lui serait bien plus utile en cas de fuite et serait plus léger. Songeant à tout ce qu'elle avait pu voir, elle commença à réfléchir à la stratégie qu'elle exposerait à Saffig une fois rentrée au château...

Loanne laissa sa main claquer contre sa cuisse tandis que, rapidement, sa respiration se calmait. Le sprint qu'elle avait du effectuer l'avait laissée quelque peu pantoise, mais elle récupérait vite, son état général était bon et Loanne se trouvait plutôt en forme, droite et calme. Seule la légère rougeur de ses joues et une tension musculaire émanant de son corps trahissait maintenant l'effort fourni. La jeune femme attendit que ses compagnons se soient éloignés puis fit son rapport, essayant de n'omettre aucun détail :

"Le camp était situé au Nord-Est du château à environ deux lieues, en pleine forêt derrière un éperon rocheux assez facilement repérable. Il y avait également une rivière, et était facilement accessible par des sentiers relativement dégagés. Nos bandits prenaient un peu de repos en se baignant, l'endroit était peu sécurisé et je n'ai vu aucune stratégie de défense particulière mis à part une épée à proximité, ce qui les laissaient vulnérables aux tirs de flèches. Pas d'autre équipement particulier en dehors d'un arc resté à proximité de la monture qui les accompagnait. Ils ont repris la route en sens inverse peu après mon départ et m'ont malheureusement dépassée. Il faudrait établir un code de communication à distance d'ailleurs."

Elle réfléchit un instant à un quelconque détail supplémentaire puis fit signe à Saffig qu'elle avait fini, le coeur battant.

L'air de Saffig après qu'elle eut terminé de parler ne déplût pas à Loanne. Au moins n'était-elle pas complètement déçue de sa performance. La jeune femme pointait déjà quelques défauts qu'il lui faudrait pallier et elle attendait une quelconque remarque de Saffig qui le lui confirme. Mais celle-ci appela Spagnolo et Elvyna, leur demandant leur version. Loanne écoute patiemment sa soeur d'armes, fronçant les sourcils quand celle-ci évoqua de lui faciliter la tâche, ce qui ne lui convenait pas du tout, et la trouvant fort sur la défensive, elle sourit en coin en repensant à la scène, se demandant s'il ne se passerait pas quelque chose entre ces deux-là. Mais elle reprit une expression neutre, attendant patiemment la conclusion de cette fin d'après-midi un peu éprouvante faisant suite à une journée tout à fait spéciale avec la cérémonie. Spagnolo confirma, ajouta quelques éléments, puis les trois soldats attendirent la réaction de l'instructrice. Loanne ne rêvait plus que d'un bon repos, sans savoir qu'une lettre l'attendait déjà pour l'envoyer en surveillance aux geôles.