[HRP][Connaissances historiques sur la FC dans le cadre du retour des RP]

La vallée du Doubs se resserre après Pontarlier ; elle donne naissance au Val du SAUGET, puis, à partir d'ENTRE-ROCHES, au Val de MORTEAU. La rivière est calme et dessine de nombreux méandres d'où le nom de MORTUA AQUA, Eau Morte donné à la ville. Le Doubs (DUBIUS le bien nommé) traverse ici une région qui fit partie, jusqu'à la Révolution, du décanat de WARASGAW ou VARESCO ; lui-même était une fraction de l'ancienne SEQUANIE.
Le Val fut délimité en 1335 avec le Val de TRAVERS, en 1348 avec le Val de REAUMONT et l'Abbaye de MONTBENOIT, en 1510 avec le Val de VENNES et de nouveau en 1819 avec le canton de NEUCHATEL. La plus haute montagne est le CHATELEU qui atteint 1312 m.
Toute cette région repose sur des calcaires du secondaire ; ces bancs de roche ont été bouleversés au tertiaire, à l'époque du plissement alpin. Les traces de ces violents séismes restent particulièrement visibles. Au moment des grandes glaciations, deux glaciers recouvraient le Val. L'un descendait de GILLEY et de la BREVINE l'autre venait du plateau du RUSSEY par LES FINS ; ils précédèrent une longue période lacustre. Les Bassins du Doubs, dont la profondeur ne dépasse pas 25 m, ne présentent qu'une petite partie de ce qu'ils étaient il y a 15 000 ans. Le lac primitif s'étendait de REMONOT au SAUT du DOUBS. Différents matériaux vinrent, par vagues successives, le combler partiellement. Ce phénomène, qui se poursuit actuellement, a amené en 10 000 ans 50 millions de m3 de matériaux divers. Le volume du lac étant d'environ 6 millions de m3 , on estime sa durée de vie aux alentours d'un millier d'années.
Un abri néolithique (du grec néos, nouveau et lithos, pierre) exista au lieu-dit La Roche aux Pêcheurs, à VILLERS-le-LAC, 3000 ans avant J.C. Les hommes de cette époque polissaient la pierre, se livraient à la domestication, mais ne connaissaient pas le cheval. Des galets avec encoches ont été retrouvés en 1928. Cette cité lacustre était contemporaine de celles des lacs de CHALAIN, de BIENNE, et de NEUCHATEL.

Différentes migrations qui n'ont pas laissé de traces, précédèrent celle des CELTES, ancêtres des GAULOIS. La tribu des SEQUANES, après avoir transité par la région parisienne, vint occuper notre pays. Guerriers querelleurs, vite démoralisés mais courageux jusqu'à la témérité, ces hommes allaient au combat les cheveux teints en rouge par du sang de brebis. Les femmes les accompagnaient au combat, peut-être pour gagner une estime que leurs rustres de maris leur refusaient. Pour leurs prêtres, les druides, les forêts étaient les temples et le chêne leur arbre sacré ; leurs Dieux nombreux s'appelaient EPONA, TARANN, BELEN ... On pense que ces lointains ancêtres nous ont laissé la Table du Roi , au Sauron. De nombreux emplacements du Val portent toujours un nom celtique : SOBEY vient de SO = RIVIERE et BAIS = GUE , LA SEIGNE ou la SAGNE vient de SEN ou SAN qui indique un endroit humide et marécageux.

L'expansion romaine (200 avant, 100 après J.C.) marqua le déclin de leur civilisation. A la célèbre bataille d'ALESIA, à côté de 90 000 Arvernes, on comptait un nombre égal de MAN DUBIS, hommes du Doubs. C'était les meilleurs cavaliers de VERCINGETORIX.

Les ALAMANS vinrent ensuite, puis les BURGONDES. Un crâne et une boucle de ceinturon finement damasquinée ont été retrouvés près de l'Eboulement en 1980 ; tous deux datent de 650 après J.C. environ.

Le traité de Verdun , en créant la LOTHARINGIE en 843, unit pour la première fois les deux versants suisse et français du JURA.

Le nom de FRANCHE-COMTE n'apparut officiellement qu'en 1366.

La région vit encore déferler les NORMANDS, les HONGROIS descendant des HUNS, les SARRAZINS d'ABD EL RHAMAN. Ces Arabes battus par Charles MARTEL en 732, avaient remonté la SAONE tandis que d'autres arrivaient par l'Italie et l'Helvétie. En 935, ils occupaient solidement la BOURGOGNE et la SUISSE. Localement, ils ont donné leur nom au petit village des SARRAZINS au dessus de MONTLEBON.

C'est en 1105 que le nom de MORTEAU apparut pour la première fois dans un texte officiel. Des moines Bénédictins de l'ordre de CLUNY arrivèrent à cette époque dans le but de terminer le défrichement des montagnes du Val. Au nombre de 6 ou 8, ils logeaient chez l'habitant dans ce quartier du MONDEY qui représentait alors à lui seul toute la ville de MORTEAU. Les moines manquèrent vite de main d'oeuvre ; ils firent venir des familles entières dont les noms malheureusement n'ont pas été conservés. Le Val se peuple rapidement au point de former cinq quartiers : MORTEAU, LES FINS, LE LAC, MONT LE BON et LA GRAND COMBE. Ces quartiers se composaient de plusieurs "sections" qui se divisaient à leur tour en "branches". On utilisait deux techniques de défrichement. La première était l'essartage : après avoir arraché bois et broussailles, on brûlait les souches et les buissons qui restaient après la coupe ; en de nombreux endroits, le mot est resté (bois des Essarts au Luisans, Essards de Paris à Grand Combe). La seconde méthode était le cerneu : on pratiquait des incisions circulaires dans le tronc des arbres qui séchaient alors du pied, d'où les noms de MAUCERNEUX, NOEL CERNEUX, CERNEUX MONOT etc ...

Il est certain que MORTEAU posséda son château féodal. Construit sur l'éminence du MONDEY, à l'extrémité Est, il surveillait l'ancienne route celtique qui par les FINS, le MONDEY et SOBEY, reliait BESANCON à la SUISSE. Le clocher actuel fut construit de 1513 à 1515 avec des pierres de ce château. D'autres pierres, celles du bas des murailles de la forteresse caractérisée par leur "bossage en boule", furent utilisées dans les murs qui soutiennent toujours l'ancien cimetière. Elles sont encore visibles de nos jours.

L'existence d'un premier monastère, dans le même quartier, reste beaucoup plus mystérieuse. Certains ont rapproché le mont MONDEY, signifiant MONT de DIEU, avec le nom de plusieurs couvents de Prémontrés, tels MONTDIE et MONDAYE. Les frères WILLEMIN, ces doux poètes auteurs d'un historique de MORTEAU publié en 1838, rapportent la très touchante histoire que voici :

" Vers les premiers temps du protectorat de VENNES (1200 environ) il arriva que l'abbé d'un couvent de Prémontrés, sis à NEUCHATEL, tout près d'une communauté d'Ursulines, s'éprit de l'Abbesse sa voisine, fille du comte ULRICH III. La chair est faible : tous deux oublièrent leurs voeux. Peu après, ce fut un si grand scandale qu'ULRICH, irrité, chassa moines et moinesses et rasa les deux couvents. Les moines blancs proscrits se réfugièrent à Morteau. Sur consentement de l'avoyer, parent d'ULRICH, ils installèrent un monastère, assez modeste certainement, au MONDEY".

Malheureusement, rien ne permet d'affirmer l'authenticité de cette (trop) belle histoire d'amour.

Les habitants étaient tous cultivateurs ou, selon un mot de l'époque, grangers. Ils étaient serfs de la terre (inservientes terrae) mais libres de leur personne et de leur travail ; ils étaient attachés à un maître ou seigneur dont ils ne pouvaient quitter la seigneurie qu'à des conditions bien précises. La première charte concernant Morteau date de 1188. Les manants devaient la dîme sur les terres en culture, le cens, sorte d'impôt foncier, et les corvées ; ils échappaient au service militaire appelé host et à l'aide aux quatre cas (quand le seigneur était armé chevalier, quand il faisait le voyage en terre sainte, quand il était fait prisonnier ou mariait ses filles).

Le régime général était la mainmorte. Cette institution empêchait le paysan de disposer de ses biens ; il devait les transmettre à ses héritiers en ligne directe, ces héritiers devaient vivre en communauté. Le seigneur héritait du serf qui mourait sans enfant et gardait les biens d'une fille qui se mariait en dehors de sa terre.

Un code pénal existait naturellement : par exemple, l'effusion de sang et l'adultère étaient punis de 9 sols chacun, les injures de 3 ; le meurtrier était à la merci du prieur. Ces prieurs rendirent longtemps la justice mais il arriva que les causes les plus importantes furent réservées à un "seigneur-gardien" qui s'en occupa. C'est pourquoi la justice fut souvent rendue à ORCHAMPS où étaient l'exécuteur, la prison et le gibet. Les appels furent portés, selon les époques, à PONTARLIER, DOLE ou BESANCON.

Une seconde charte fut signée en 1388. Les gens du Val, mécontents d'être sous l'autorité de la Comtesse de Neuchâtel et de leur prieur, se mirent sous la protection du Duc de Bourgogne, Philippe II Le Hardi. L'affaire fut menée rondement. Bientôt les premiers échevins furent nommés. C'était le début de la démocratie.

Durant tout le Moyen-Age, les principales épreuves auxquelles furent confrontées les populations furent les épidémies, les incendies et les guerres.

La peste enleva les deux tiers des habitants du Val en 1349. Elle remplit les fameux "cimetières des bossus" comme il en existe encore aux Jarrons et à Grand Combe. Les vides furent comblés par des habitants du canton de FRIBOURG ou de la vallée d'AOSTE. Les nombreuses épidémies trouvaient des proies faciles dans ces fermes sans hygiène, où le régime de mainmorte imposait la cohabitation de plusieurs familles.

L'assassinat du Duc de Bourgogne en 1419 obligea la Franche-Comté à devenir l'alliée des Anglais. Les seigneurs jurassiens ne semblent pas avoir éprouvé beaucoup de scrupules à combattre Charles VII et ... Jeanne d'Arc. Lorsque la paix fut signée, des bandes de soldats désoeuvrés envahirent le pays. On les surnomma les écorcheurs. Trente ans plus tard, ce fut au tour des Suisses, alliés de Louis XI, de venir semer la désolation dans le Val. Charles le Téméraire, ayant fait la paix avec le Roi de France, marcha sur LAUSANNE avec 30 000 hommes. Le 9 février 1476, il était à Jougne avec le Comte ADOLPHE de HOCHBERG qui conduisait les milices de VENNES et de MORTEAU. Après quelques succès, ces troupes furent décimées à MORAT. Le duc de Bourgogne et le sire de BELVOIR moururent dans cette bataille. Très peu de Mortuaciens revinrent de cette malheureuse campagne.

La fille du Téméraire épousa Maximilien d'Autriche en 1477 ; ce faisant, elle apporta la Franche-Comté à l'Autriche au grand dépit de Loui XI.

En huit siècles, dix sept incendies éprouvèrent la ville de MORTEAU. Les plus terribles eurent lieu en 1639, 1683, 1702, 1849 et 1865.

En 1683, l'église flambe. C'est un réchaud oublié par l'organiste qui provoque ce désastre. Un échevin meurt asphyxié par la fumée. Les flammes font fondre les cloches, il faut en commander de nouvelles dont le gros bourdon qui existe toujours. Un vent violent emporte des tisons qui mettent le feu au village des Suchaux.

Le 15 février 1702, c'est presque toute la Grand Ville (c'est ainsi qu'on surnommait Morteau), qui est détruite.

En 1849, onze maisons brûlent ainsi que la halle aux blés.

En 1865, le feu ravage tout, de la Place Carnot à l'Hôtel de Ville. Les deux tiers du bourg sont anéantis. Des listes de souscription paraissent dans les journaux de la province. Le Préfet de la Haute-Saône se joint à son collègue du Doubs pour provoquer des secours.

On peut encore citer, pour mémoire, l'incendie du Château Pertusier , en 1938, et celui de l'Hôtel de Ville en 1946.

Le protestantisme fit son apparition vers 1530. C'est un dénommé FAREL qui vint prêcher cette doctrine à MORTEAU d'où il fut chassé à coups de pierres. Soutenue par les princes allemands réformés, cette religion devint une arme politique ; Le Locle et Les Brenets l'adoptèrent en 1550 et 1559. Une troupe de réformés fut arrêtée et mise en déroute entre VILLERS et SOBEY, le 21 juin 1575. Comment les gens du Val ont-ils appris à temps l'arrivée des calvinistes ? On raconte qu'un capitaine des huguenots était tombé amoureux d'une servante d'auberge de VILLERS-LE-LAC. La servante, soupçonnant un mystère, fit si bien qu'elle vendit au capitaine ses faveurs contre le secret du complot ... Des réfugiés suisses vinrent s'installer aux GRAS et aux FRENELOTS que l'on surnomma alors le "Village des Suisses".

En 1600, le Val comptait environ 12 000 personnes réunies en 2000 familles. Le prieur RICHARDOT signa l'affranchissement de tous les habitants qui accueillirent la nouvelle avec de grandes explosions de joie.

Les églises et les chapelles du Val furent construites à des dates bien différentes. Une première chapelle fut édifiée au pied du Mont VOUILLAU, à l'emplacement de l'ancien stand de tir, avant l'arrivée des Bénédictins. C'est un curé d'EYSSON (Canton de VERCEL) qui venait y dire la messe . Ses ruines furent rachetées sous la Révolution pour 250 livres.

Une première église fut construite dans la première moitié du XIIIème siècle, dans la Grande-Rue, à l'emplacement de la maison VAUFREY. Elle était romane et placée sous l'invocation de St Pierre et Paul. Ses derniers vestiges disparurent dans l'incendie de 1865.

L'église actuelle fut bâtie de 1409 à 1420. Elle eut deux clochers de petite taille pendant très longtemps ; l'un servait aux Bénédictins, l'autre au curé et aux paroissiens. En 1727, on sépara même l'église en deux par un mur de pierres qui fut détruit pendant la Révolution. Il faut signaler actuellement aux visiteurs :
- l'autel du Saint Sacrement, en bois peint et doré (1750). Classé en 1916.
- les stalles (1856) classées en 1908
- la chaire (1750) classée en 1908
- la vierge libératrice, peinture du 17° siècle
- la vierge de piété, sur l'autel des morts de la guerre, en bois polychrome, classée - la voûte de la nef du Rosaire.

Grand Combe eut sa première chapelle en 1506, Combe la Motte en 1667, Cornabey en 1695, Les Fontenottes en 1691, Derrière-le-Mont en 1749, Villers en 1625, Les Bassots en 1692, Les Gras en 1508. Le couvent des Minimes de Montlebon date de 1612.