Oyez, oyez ! gens de lois, gens de bon sens, et si ils existent, parlementaires de bon sens !
S'installant à la table, lothilde sortit un feuillet sur lequel elle avait consigné quelques notes, après son passage éclair à la prévôté
je me suis posée une question à laquelle, je pense, les grands légistes qui peuplent notre belle comté vont sans doute me répondre. il n'y a rien que je déteste autant que fouiller dans cet immonde recueil des lois, et ayant dû m'y forcer il y a quelques jours, je me suis jurée de ne plus y remettre le nez. Alors je compte sur le savoir des gens du métier pour m'éclairer
Elle toussota
voilà ma question...Comme certains le savent peut-être, j'ai porté plainte récemment contre le juge de franche-Comté pour avoir tenu à mon encontre des propos diffamatoires sur la place publique.
Le prévôt a dans un premier temps monté un dossier, faisant au passage remarquer son impartialité : en effet, le juge de franche-comté n'est autre que son propre frère.
Très peu de temps après, revirement total : le procureur ayant consulté ses registres de lois, décide qu'aucune n'interdit de diffamer son entourage, et que par conséquent, elle rejette la plainte.
Alors intervient le procureur, rappelant au prévôt qu'il est le seul à pouvoir décider d'accepter ou non une plainte. Aussitôt, le ton monte. Le prévôt, comme le juge d'ailleurs, avertissent le procureur que le lien de cousinage qui l'unit à la plaignante que je suis lui interdit d'intervenir, et qu'ils veilleront à ce que cette loi ne soit pas transgressée.
Voici la phrase exacte prononcée par le prévôt au procureur :vous pouvez décider d'un dossier quand il arrive en procure uniquement. Si JE décide qu'un dossier ne monte pas en procure vous n'avez aucun droit sur lui.
Devinant une certaine lassitude dans le maigre auditoire, elle leva la main
un peu de patience, j'en arrive à ma question..non, j'en ai deux, de questions..
La première est celle-ci...En définitive, ce n'est donc pas le procureur qui décide ou non d'accepter un procès mais le prévôt ?
Elle attendit un instant, interrogative, et posa la seconde question dans la foulée
Comment se fait-il alors que le prévôt ne soit pas démis de ses fonctions lorsqu'il reçoit une plainte touchant un membre de sa famille, ou par exemple, de son clan politique ?
Autre regard sur l'assemblée
C'est la phrase prononcée par le prévôt qui m'amène à poser cette question, JE décide de monter un dossier en procure ou pas
ça signifie ni plus ni moins que le prévôt a toute possibilité de mettre en procès qui il veut, selon ce qui l'arrange. Accepter un procès parce que telle ou telle personne ne lui plait pas, refuser tel ou tel procès parce qu'il redoute ce qui pourra être dit au cours du procès, en gros, tous les pouvoirs sont entre ses mains...il suffit qu'il décide de ne pas monter le dossier en procure
ça ne choque que moi ?